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#webtube : La France est en train de vivre un phénomène silencieux mais massif, dont les conséquences politiques et sociales sont encore largement sous-estimées : ses propres citoyens s’en vont. Ils ne partent pas pour quelques mois par opportunité ou par curiosité, mais avec la conviction que quelque chose est durablement cassé et qu’il n’est plus raisonnable d’y projeter un avenir. Ce départ n’est plus marginal. Il concerne des centaines de milliers de Français et touche toutes les générations actives. Ce qui frappe n’est pas seulement le nombre, mais la nature du geste. On ne part plus pour gagner davantage. On part pour préserver ce qu’il reste à préserver, sa liberté, son travail, sa famille, sa stabilité, parfois même son équilibre mental.
Ce mouvement ne naît pas d’une crise passagère, mais d’une fatigue nationale accumulée, faite de pression fiscale, de lourdeur administrative, d’insécurité diffuse, de contraintes idéologiques permanentes. Beaucoup ont le sentiment de vivre dans un pays devenu hostile à ceux qui produisent, entreprennent ou tentent simplement de mener une vie ordonnée, tandis que le discours officiel continue d’affirmer que la France serait attractive et moderne, en décalage total avec l’expérience vécue.
Ce décrochage s’accompagne d’une perte de confiance politique profonde. Beaucoup ne croient plus aux alternances, ni aux promesses, ni aux réformes annoncées. Le pouvoir apparaît hors-sol, enfermé dans son propre langage, ses propres certitudes. Sous la présidence d’Emmanuel Macron, cette rupture est devenue particulièrement visible. Le discours se veut rationnel, technocratique, progressiste, mais il est perçu comme froid, vertical et indifférent aux réalités concrètes. Ce que l’exécutif appelle adaptation est vécu comme une contrainte supplémentaire, ce qu’il appelle modernisation comme une dépossession.
Dans ce contexte, partir n’est ni un caprice ni un choix idéologique, mais une décision rationnelle, souvent douloureuse et longuement mûrie. Ceux qui quittent la France n’y renoncent pas par haine, mais par épuisement. Ils ont travaillé, payé, accepté les règles, et constaté que l’horizon se refermait, que l’effort n’était plus reconnu, que la réussite devenait suspecte, que la transmission devenait incertaine. Le départ devient alors une stratégie de protection.
Contrairement à une idée répandue, ce ne sont pas des profils marginaux qui partent. Ce sont des entrepreneurs, des indépendants, des cadres intermédiaires, des professions qualifiées, des jeunes diplômés formés en France qui choisissent de ne pas y rester. Ils ne fuient pas le travail, mais un système qu’ils jugent saturé, illisible et punitif. Le problème n’est pas seulement le niveau de prélèvements, mais le sentiment de plafonnement permanent, de courir sur place malgré l’effort, de voir son niveau de vie reculer tandis que les services publics se dégradent.
À cela s’ajoute une dimension administrative devenue étouffante. Tout est normé, contrôlé, conditionné. La confiance a disparu au profit de la suspicion. Beaucoup expliquent que ce n’est pas la fiscalité en elle-même qui les a fait basculer, mais l’impression constante d’être empêchés, ralentis, infantilisés.
Pour certains départs, notamment de familles, la question est aussi sécuritaire et éducative. Il ne s’agit pas de discours abstraits, mais du quotidien, de l’école, des transports, des quartiers, du sentiment que l’autorité recule et que l’environnement devient imprévisible. Le sentiment d’insécurité, qu’il soit statistiquement débattu ou non, est une donnée politique réelle dès lors qu’il structure les choix de vie. Lorsque des parents estiment ne plus pouvoir offrir à leurs enfants un cadre serein et stable, le départ devient une option concrète.
Ce qui revient le plus souvent dans les témoignages est un mot rarement entendu dans le discours public : soulagement. Soulagement administratif, fiscal, mental. Un pays dont les citoyens ressentent du soulagement à l’idée de le quitter a perdu quelque chose d’essentiel.
Ce phénomène prend une dimension plus grave encore lorsqu’on l’observe sous l’angle politique. Ce qui se joue n’est pas seulement une somme de décisions individuelles, mais une rupture du lien civique. L’État est perçu non plus comme un arbitre ou un protecteur, mais comme une structure autonome, produisant normes et injonctions sans lien avec la vie réelle. Le citoyen devient un risque à encadrer plutôt qu’un acteur à soutenir. Cette technocratisation permanente a installé une méfiance généralisée et une forme de désaffiliation silencieuse.
À cela s’ajoute une rupture culturelle. Beaucoup de ceux qui partent ne reconnaissent plus le pays tel qu’ils l’ont connu ou imaginé. Les repères se dissolvent, le discours oscille entre culpabilisation permanente et injonctions contradictoires. La nation n’est plus présentée comme un héritage à préserver, mais comme un problème à déconstruire. À force de délégitimer le cadre national, le discours dominant produit mécaniquement du détachement.
L’absence d’alternative politique crédible renforce encore ce mouvement. Pour beaucoup, le départ est aussi une manière de sortir d’un jeu verrouillé, où les alternances semblent factices et les grandes orientations immuables. Quand le vote n’est plus perçu comme un levier réel, l’exil devient une forme de choix politique silencieux, un vote avec les pieds. Ce retrait est plus inquiétant que la contestation, car il ne s’affronte ni par la répression ni par la communication. Il traduit une rupture de confiance profonde.
Enfin, cette fuite silencieuse transforme durablement la société. Quand ceux qui peuvent partir le font, il reste une population de plus en plus captive, dépendante, contrainte. L’équilibre social se modifie. Moins de profils autonomes, plus de centralisation, plus de dépendance à l’État. Le système se referme sur lui-même, s’alourdit, se rigidifie.
Le coût moral est immense. Rester devient presque une anomalie à justifier, partir une option raisonnable. Les comparaisons permanentes avec l’ailleurs minent le lien collectif et installent l’idée que la France n’est plus un projet, mais un lieu par défaut. Réduire ces départs à de l’égoïsme ou à une prétendue désertion est une erreur d’analyse. Ce n’est pas la France qui est quittée. C’est un système qui, progressivement, pousse dehors ceux qui n’y croient plus. Et c’est précisément ce que révèle cette fuite : l’état réel d’un pays qui ne parvient plus à retenir les siens…
Jérôme Viguès, Riposte Laïque
